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En inventant le concept d'hétérotopies, il y a plus de 50 ans, Michel Foucault ne pouvait imaginer que cette notion deviendrait une référence incontournable de la critique architecturale. Présente dans toutes les recensions spécialisées, dans tous les écrits, voire dans toutes les conférences sur l'architecture, l'hétérotopie devint une sorte de dogme pour évoquer la complexité de l'habité. Espace « autre » qui raconterait les multiples usages d'un lieu, l'hétérotopie poussait à l'analyse et fabriquait une richesse narrative pratiquement infinie. Véritable hapax dans l'oeuvre de Foucault, l'hétérotopie représentait une véritable intuition philosophique dont le succès fut à l'image de son créateur : monumentale. Cet essai n'a pas pour ambition d'exposer - une fois encore - l'histoire de ce concept. Maints auteurs s'y sont déjà employés. Son intention est tout autre. Il s'agit plutôt d'interroger la contemporanéité de ce concept pour des étudiants en architecture, futurs professionnels « de l'espace ». La violence environnementale et sociale liée au dérèglement climatique, l'apologie mortifère de systèmes politiques fondés sur l'exclusion économique, religieuse ou territoriale, la disparition inéluctable des ressources naturelles, obligent à penser autrement les établissements humains. Or le concept d'hétérotopie, par son caractère mouvant et profondément « humaniste », pourrait devenir un véritable argument intellectuel pour enrichir les cadres conceptuels de la fabrication de l'espace architectural. L'opérationnalité du concept d'hétérotopies semble ainsi échapper à son créateur et devenir une sorte « d'anti-concept » en s'attachant non plus au monde de l'analyse, mais à celui de l'innovation créatrice. Pour les architectes, penser l'hétérotopie n'appartient pas à la critique mais représente bel et bien un formidable outil conceptuel.

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